vendredi 27 juillet 2018

Le dogme anti crème solaire HM

C'est l'été, et comme chaque année, on a droit aux cris d'orfraie à chaque évocation d'une protection solaire HM.

Il y a évidemment des mesures de sécurité, des règles de bonnes pratiques de fabrication etc... à appliquer aux cosmétiques HM quels qu'ils soient. 
Il est également important d'essayer de comprendre ce qu'on fait et d'apprendre à formuler plutôt que de "copier bêtement" une recette trouvée ou conseillée...

Au delà de ces avertissements légitimes, je ne comprends pas cette attitude qui consiste à décrier et se moquer de celles/ceux qui se risquent à partager leurs formules de protection solaire.

Voyons ce que sont les protections solaires et les "mesures" des indices de protection.

Il existe deux types d'actifs : protection physique (oxyde de zinc, dioxyde de titane, qui laissent tous deux des traces blanches) qu'on retrouvera (pour schématiser) principalement dans les produits bio / HM et protection chimique des produits plus "conventionnels".

L'indice indiqué sur les produits (appelé IP, SPF ou encore FPS avec des valeurs 30, 50 etc) correspond à la protection UVB. La règlementation impose que la protection UVA corresponde à au moins 1/3 de cet indice.

Que signifient ces valeurs et comment sont elles obtenues? 
L'IP exprime le rapport de la "DME peau protégée" / "DME peau sans protection" (DME étant la dose minimale érythémateuse).

On obtient donc un facteur en divisant le temps qu'il faut pour avoir une légère rougeur sur peau protégée par le temps nécessaire sans protection.

EXP : Théoriquement, une peau qui réagirait sans protection en 10min, mettrait 10 fois plus de temps (100min) avec une protection "indice 10" (l'IP concerne la protection UVB)

Les limites de ces mesures sont d'une part ces indices n'expriment pas la même protection en fonction du phototype, et d'autre part qu'elles sont faites avec une dose/surface d'application (2mg/cm2) qui correspondrait à 1/4 de flacon (corps) par application... ce qui n'est jamais pratiqué en réalité...
 Pour les UVA, il existe différents types de "mesures" qui ne donnent pas les mêmes résultats, et qu'on peut donc qualifier de peu fiables (ou fiabilité à relativiser).


Voyons maintenant les arguments des opposants aux protections solaires HM :

1) "C'est dangereux ! " -->

- Chez ces mêmes... L'abus n'exclut pas l'usage s'agissant de savons (malgré les risques liés à la manipulation de soude caustique, ou le nombre de témoignages  à propos de savons suite à des erreurs de calcul ou de pesée). Pas plus d'ailleurs s'agissant de possibles bouillons de culture que sont les produits contenant une phase aqueuse, ou encore les risques liés aux mésusages / surdosages d'actifs puissants.

- Il n'y a pas de danger spécifique à réaliser ce type de produit. Le seul danger étant de surestimer la protection réelle (mais c'est également vrai pour les produits du commerce dont je rappelle que les mesures se font avec une quantité de produit qui n'est pas celle appliquée par les usagers).
Les règles de bon sens sont la meilleure "protection" (ne pas exposer aux heures les plus chaudes/ensoleillées, ne pas s'exposer trop longtemps, se couvrir/vêtir et rechercher l'ombre, renouveler régulièrement l'application de protection solaire...)

- Le danger consiste en une exposition abusive, quel que soit le produit appliqué, on n'est jamais protégé à 100% par une crème solaire.
Mais on oublie le sens de la nuance : il y a différents phototypes à prendre en considération. Les peaux claires/sensibles au soleil devront prendre plus de précautions et un IP plus élevé.
De même, les conditions d'exposition sont à prendre en considération et n'impliqueront pas les mêmes exigences : une protection solaire pour qui compte/doit s'exposer au soleil longtemps ou entre 12 et 16h,  ou une protection solaire pour qui va veiller à réduire son exposition (vêtements, chapeau, ombre), ou encore un usage quotidien (en dehors de la période estivale, certaines personnes photosensibles se protègent toute l'année).
Plus facile d'être catégorique, et d'éviter la peine de se poser ces questions, la protection solaire HM c'est tabou : qualifier ceux qui s'y risquent d'inconscients, est un cache misère --> on voile sa propre incompétence et incompréhension, en prétendant vouloir protéger autrui avec de grands airs et en se dispensant d'analyser la formule proposée (puisque disqualifiée d'office)


2) "Sans mesure en laboratoire, on n'a pas l'IP ! "  -->

- De nombreuses études scientifiques (avec mesures labo in vitro et/ou in vivo), accessibles sur le net, permettent d'obtenir l'IP de nombreux ingrédients (dont ceux d'huiles végétales). Et l'indice de protection d'un ingrédient dans une recette est lié à sa concentration/dosage dans la formule, là encore, l'information se trouve pour qui sait (se donne la peine de) chercher.

L'IP ne s'invente pas, mais il est en fait prédictible !
Ça choque bon nombre de moutons qu'un mensonge répété mille fois convainc, et que l'amateurisme ne pousse pas à la curiosité ou à se documenter (vous imaginez les services R&D -qui développent les produits que vous retrouvez sur le marché- essayer des dosages au pif, sans avoir la moindre idée de ce qu'ils font/obtiennent avant la mesure labo ??!! ).

Ce n'est pas parce que "madame tout le monde" ne connait pas l'indice de protection d'un ingrédient (ou l'indice de saponification d'une huile) que cette valeur est inaccessible ;)
"On" se fie aux fiches techniques de ses fournisseurs favoris pour déterminer le dosage en conservateur, "on" se fie aux calculateurs pour déterminer la quantité de soude d'un savon...
Mais "on" refuse que des données issues d'études scientifiques concernant les IP de différents ingrédients soient fiables ? Elles devraient figurer sur le site du fournisseur préféré pour cela ? :-p

Comme on le fait des mesures imprécises (moyennes) des indices de sap pour faire des savons, pour éviter tout danger, on s'accorde une marge d'erreur (le surgraissage assure cette fonction entre autres), et il suffit de formuler avec un IP théorique au delà de celui recherché (et surtout d'appliquer les recommandations citées plus haut, car aucune protection solaire cosmétique ne protège à 100% ).

Enfin, même en considérant que l'IP serait impossible à déterminer/évaluer (ce qui n'est pas le cas), la protection solaire d'une formule (intégrant des filtres UV dans des proportions importantes) n'en demeure pas moins effective ! Il y a donc un bénéfice (et non un danger) à l'appliquer, tant qu'on n'en oublie pas les autres recommandations d'usage (et qu'on ne surestime la valeur ni ne confond l'IP, aussi haut soit-il, avec une protection magique qui permette de s'exposer sans le moindre risque).
 Pour ceux qui se voudraient (excessivement) prudents : au lieu de cet alarmisme idiot, il suffirait de recommander 1) de rechercher un IP théorique + élevé que nécessaire 2) d'appliquer les mêmes protections (se vêtir, rechercher l'ombre..) que si l'on considérait n'avoir mis aucune crème solaire !


3) Remarques et nuances :

- Pour les huiles végétales et leurs IP, les qualités des produits étant variables, s'accorder une marge d'erreur plus importante, en ne retenant que la fourchette basse.

- Dans le commerce, les crèmes solaires devraient assurer une protection UVA >= 1/3 de l'IP affiché (UVB). Il est indispensable de tenir compte des UVA & UVB, et pour cela choisir des ingrédients/protections large spectre, ou équilibrer par des actifs complémentaires pour couvrir le plus largement le spectre.

- Le type de produit / formulation, affecte également l'IP obtenu avec les protections chimiques, mais celui-ci reste directement lié à la concentration des différents actifs "protection solaire" --> il faut tenir compte du dosage et du type de produit pour "prévoir" l'indice théorique. De même, la "taille" des dioxyde de titane ou oxyde de zinc, influe sur le résultat, mais les valeurs IP en fonction de ce paramètre sont connues et accessibles*

- En professionnel/dans le commerce, la liste des filtres UV reconnus est règlementée, avec une liste positive. D'autres ingrédients peuvent avoir des propriétés de protection solaire (dont les huiles végétales)




Le danger, qu'on parle de protection solaires, de savons (les exemples de ratés/caustiques sont nombreux sur la toile), ou autres cosmétiques (nombreux exemples de produits mal conservés/formulés, avec des moisissures qui se développent) n'est pas de faire ces produits en home made, mais de les faire en ne se donnant pas les moyens de savoir ce qu'on fait / de bien faire !
Le danger c'est de recopier bêtement des recettes, sans comprendre... C'est là qu'est la source d'erreur

Comprendre ou éviter les risques, ce n'est pas mettre des gardes fous arbitraires. Et s'il est vrai qu'il est des sots capables de faire n'importe quoi (c'est pour cela qu'il me semble préférable de ne pas partager de "formule" mais de partager les éléments clés qui permettent la compréhension).

Le milieu amateur crée un tabou autour de ce produit, mais dans les années à venir, ce type de formules se développera en HM, aromazone vend un actif "protection solaire au dioxyde de titane", mais qui omet pudiquement de partager la "SPF chart" (tableau équivalence dosage/IP).
Soap kitchen en revanche (pour le "SunCat® MTA" protection chimique https://www.thesoapkitchen.co.uk/spf-suncat-spfsunca ) indique bien les ratios (exemple : l'actif introduit à 5% dans la formule --> IP 32 dans une crème, et IP 22 dans un gel).

Si effectivement, vous manquez d'information ou ne vous sentez pas en mesure de réaliser un tel produit, abstenez vous !
Cela ne vous permet pas pour autant d'imposer aux autres vos lacunes ou de les présumer nécessairement moins qualifiés que vous ne l'êtes, permettez donc que d'autres n'aient pas les mêmes limitations.

L'attitude générale sur ce produit, pour comparaison, reviendrait à ce que quelqu'un qui refuse de faire du savon à cause des risques (indubitables) liés à l'usage d'hydroxyde dénie aux autres la possibilité de savonner.

Il y a toujours des "risques" à faire ses produits, mais les risques peuvent être maîtrisés si on se documente et si on applique des principes de précaution et marges d'erreur (formuler avec un IP théorique bien supérieur à l'IP souhaité en fonction du phototype).



J'ajoute quelques tableaux pour illustration ( et liens vers des études scientifiques /mesures des indices d'huiles végétales) mais j'invite ceux qui souhaiteraient réaliser des crèmes solaires à se documenter davantage, à rechercher d'autres études disponibles en ligne, et à croiser les informations...

* :





Tableau issu d'une étude scientifique consultable ici https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3140123/

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Object name is PR-2-22-g005.jpg



https://www.berrybeautiful.us/assets/characteristics-of-raspberry-(rubus-idaeus-l.)-seed-oil.pdf
"The optical transmission of raspberry seed oil, especially in the UV
range (290±400 nm) was comparable to that of titanium
dioxide preparations with sun protection factor for UV-
B (SPF) and protection factor for UV-A (PFA) values
between 28±50 and 6.75±7.5, respectively
(Kobo Products Inc., South PlainÆeld, NJ).
"
Résultat de recherche d'images pour "spf zinc oxide chart"